La cohérence est la voie…

Notre cerveau est un peu comme un cheval sauvage. Fougueux, surprenant, parfois rétif, et passablement imprévisible. Comme mû par sa propre nature, dont la logique nous échappe souvent.

Nous ne savons jamais à l’avance si nous vivrons une journée et réagirons à ses péripéties avec énergie et vitalité, joie, contrariété, tristesse ou sérénité. Dans un ballet ébouriffant d’émotions, de pensées, de sensations et de réactions, plus ou moins cohérentes, qui peuvent nous laisser parfois surpris ou même désemparés…

Si toutefois nous apprenons à le connaître, à le comprendre et à coopérer avec lui, alors l’histoire change et un sacré voyage s’ouvre à nous…

Faire de notre cerveau notre meilleur allié ? Et si nous apprenions à lui -à nous- chuchoter ?

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Ne cherchez surtout pas à être heureux !

Différentes recherches ont montré que la poursuite du bonheur tend à déprimer[1] ! Mais plus vous parvenez à accomplir ce qui vous tient à cœur, plus les relations que vous avez avec les autres sont bienveillantes et coopératives, plus vous vous sentez compétent et utile, alors plus ce sentiment fleurit naturellement. La morale de l’histoire ? Que le bonheur soit un bénéfice secondaire (certes bon à prendre) mais surtout pas un objectif !

L’émotion humaine la plus fondamentale n’est ni la peur, ni la colère : c’est le désir, une impulsion instinctive qui nous pousse à chercher à acquérir ce que nous semble avoir de la valeur. Ce peut-être de l’argent ou de la connaissance, une relation ou du pouvoir, en fait toute chose différente ou nouvelle qui nous apparaît à tort ou à raison comme désirable[2] . Mettez une souris dans un cage remplie de bouchons de bouteilles et toutes sortes d’objets, elle se mettra à les rassembler au cas où il y aurait un usage hédonique possible à toute cette nouveauté!

Le désir d’acquérir est ce qui nous motive à agir, et produit une gratification automatique en libérant ce neurotransmetteur délectable qu’est la dopamine. Avec toutefois une surprise : cette recherche du plaisir stimule notre conscience en activant le lobe frontal[3]. Si un excès de dopamine est libéré, nous sommes à risque de devenir obsessionnels ou dépendants de nos objets de plaisir. Si nous sommes attirés par l’argent, nous pouvons devenir des joueurs compulsifs, au casino ou en bourse. Si c’est la nourriture, manger avec excès. Et si c’est l’amour, nous pouvons devenir des dépendants affectifs.

Le désir est notre premier affect de survie, mais dès que la peur ou l’inquiétude s’invitent, le circuit de dopamine s’éteint, et des neurotransmetteurs de stress sont libérés[4]. Nous perdons notre motivation et fuyons. Heureusement, il est aisé d’enjamber neurologiquement les peurs et les doutes qui nous empêchent d’avancer. A condition toutefois de savoir comment agir sur ce circuit.

Quelques recommandations pratiques

Tout d’abord, faites une liste de toutes les activités qui vous ont procuré un intense plaisir. Ensuite, faites une liste de toutes les qualités et valeurs que vous appréciez en vous, dans vos relations et dans votre travail. En contemplant ces valeurs, visualisez ce que vous désirez vivre à l’avenir en vous appuyant sur le sentiment de gratification que cela produit en vous.

Faites une liste de vos désirs et demandez à votre intuition de concevoir une stratégie pour vous approcher de votre but. La « gratification différée » garde le cerveau archaïque curieux et excité, pour autant que vous vous accordiez de petits plaisirs tout au long du chemin. Cela renforcera les circuits de motivation de votre cerveau, mais aussi les structures qui génèrent la conscience et l’attention, ce qui est le vrai secret pour atteindre un sentiment neurologique de bien-être et de satisfaction[5].

La positivité prédit l’aptitude à être heureux

Selon la faculté de médecine de l’Université de Californie à San Francisco, les gens heureux sont plus satisfaits dans la vie parce que leur état d’esprit positif les motive à cultiver et développer des ressources de bien-être. A l’Université de Rome, des chercheurs ont pu prédire le niveau de bien-être futur d’adolescents en mesurant leur degré de positivité[6]. Qu’en est-il du vôtre ? Le ratio minimal est de générer 3-5 pensées et sentiments positifs pour chaque expression intérieure ou extérieure de négativité[7].

Comptez vos actes de bienveillance

Une équipe universitaire japonaise a quant à elle découvert que des étudiants pouvaient améliorer leur sentiment de bonheur simplement “en comptant tous leurs actes de bienveillance au cours d’une semaine entière”. Même ceux d’entre eux qui se considéraient comme étant déjà heureux se sont sentis plus bienveillants et reconnaissants à la fin de cette période[8]. Pourquoi ne pas essayer ? Ecrivez tout au long de la semaine toutes les manifestations de bienveillance que vous adressez aux personnes autour de vous !

Verbalisez votre gratitude

Une enquête de l’Université de Floride a montré en 2010 que l’expression de reconnaissance et d’appréciation entre collègues renforçait la cohésion et la performance groupales[9]. Entretenir des simples pensées de gratitude n’a pas le même pouvoir. Des chercheurs de la Wharton School af Business de l’Université de Pennsylvanie ont montré que les personnes qui reçoivent des mots de gratitude sont plus susceptibles de prêter assistance aux autres. Des telles expressions provenant du management ont même augmenté significativement le nombre d’appels effectués par l’équipe bénévole en charge du fundraising de l’Université[10] !

Bonheur au travail ? Voire…

Le trend actuel de programmes visant à favoriser le « bonheur du travail » soulève bien des questionnements. A juste titre : la recherche montre que si les paramètres qui permettent in fine de se sentir heureux au travail (clarté, équilibre et cohérence des activités, reconnaissance, soutien émotionnel, qualité relationnelle, autonomie et coopération, participation, confiance dans le management, valeurs fondamentales[11]) sont négligées, l’adjonction de programmes de « bonheur » aura à coup sûr un effet inverse !

 

Jean-Dominique Michel & Mark Robert Waldman

 

[1] Can seeking happiness make people unhappy ? Paradoxical effects of valuing happiness. Mauss IB, Tamir M., Anderson CL, Savino, NS. Emotion. 2011 Aug;11(4)

[2] Circuits regulating pleasure and happiness : the evolution of reward-seeking and misery-fleeing behavioral mechanisms in vertebrates. Loonen AJ, Ivanova SA. Front. Neurosci. 2015 Oct 23;9

[3] The role of orbitofrontal cortex in the pursuit of happiness and more specific rewards. Burke KA, Franz TM, Miller DN, Schoenbaum G., Nature. 2008 Jul 17;454

[4] Dopamine and extinction : a convergence of theory with fear and reward circuitry. Abraham AD, Neve KA, Lattal KM. Neurobiol Learn Mem. 2014 Feb;108

[5] Context, emotion, and the strategic pursuit of goals: interactions among multiple brain systems controlling motivated behaviors. Gruber AJ, McDonald RJ. Front Behav Neurosci. 2012 Aug10;221(2)

[6] Occupational dreams, choices and aspirations : adolescents’ entrepreneurial prospects and orientations. Schmitt-Rodermund E., Vondracek FW. J Adolesc. 2002 Feb;25(1)

[7] Updated thinking on positivity ratio. Fredrickson BL. Am Psychol. 2013 Dec;68(9)

[8] Happy people become happier through kindness: a counting kindnesses intervention. Otake K, Shimai S, Tanaka-Matsumi J, Otsui K, Fredrickson BL. J Happiness Stud. 2006 Sep;7(3):361-375.

[9] Gratitude and well-being: a review and theoretical integration. Wood AM, Froh JJ, Geraghty AW,. Clin Psycol. Rev. 2010 Nov;30(7)

[10] A little thanks goes a long way. Explaining why gratitude expressions motivate prosocial behavior. Grant AM, Gino F., J Pers Soc Psychol. 2010 Jun;98(6)

[11] Cf Michel J.-D., « Santé globale et performance en entreprise »


Rien ne se passe ? Comme c’est magnifique !

par Mark Robert Waldman

J’ai pratiqué la méditation pendant plus de 20 ans avant de finir par comprendre ! Je m’y étais mis parce que certains affirmaient que cela m’apporterait une forme d’illumination, une de ces expériences incroyables qui donne accès à d’autres dimensions de la réalité ou même la Vérité. Quand j’ai commencé à conduire des recherches en neurosciences, les effets de la méditation sur le cerveau m’ont tellement impressionné que j’ai redoublé d’ardeur dans ma pratique. Mais rien de particulier ne s’est produit.

Des années de recherche m’ont toutefois apporté des éléments de réponse. D’abord, personne ne m’avait dit à quel point il était important de se détendre. Ensuite, personne ne m’a montré COMMENT me détendre (en fait, respirer profondément augmente le stress alors qu’une respiration douce et régulière apaise le cerveau.) En ce qui concerne le stress neurologique et mental, le bâillement est le moyen le plus rapide de provoquer le réflexe de détente ! Par ailleurs, personne ne m’avait appris comment rester focalisé avec attention (écouter le son d’une cloche alors qu’il s’estompe progressivement est la stratégie que nous enseignons actuellement à nos étudiants.)

Il y a douze ans, je me suis trouvé confronté à une des expériences les plus stressantes de ma vie lorsque ma femme a développé un cancer. Mon esprit était malade d’inquiétude, mais je savais que si je ne faisais rien, le cerveau de ma femme se mettrait en résonnance avec mon anxiété. Je me suis donc forcé à pratiquer la Pleine Conscience (Mindfulness), à observer toute cette agitation mentale sans jugement. Alors, quelque chose de remarquable s’est produit : il ne s’est rien passé. Les pensées allaient et venaient, et je restais calme, même serein. C’est sans doute le meilleur cadeau que nous pouvons offrir à une personne en souffrance, et c’est une des plus grandes leçons que j’aie apprises.

J’ai passé les quinze dernières années à cartographier avec le Pr Andrew Newberg les processus cérébraux impliqués dans les états de sérénité émotionnelle et de paix intérieure, et la leçon de fond demeure : quand nous nous sentons inquiets, anxieux, livrés au doute ou déprimés, les parts archaïques de notre cerveau réagissent comme si quelque chose de menaçant se produisait dans la réalité extérieure. Mais ce n’est simplement pas vrai. Nos angoisses ne sont que des fantasmes flottant sur l’onde de nos cerveaux imaginatifs.

En pratiquant la Pleine Conscience –en continuant à observer pensées et émotions sans jugement, avec une neutralité bienveillante- de petites pépites de lucidité apparaissent à la surface de la conscience. Ces petites révélations modifient progressivement le fonctionnement et les structures du cerveau d’une manière qui nous permet de changer nos vieux comportements et nos vieilles pensées, de découvrir ce qui nourrit vraiment notre besoin de valeurs et de sens, et de poursuivre des objectifs qui en valent vraiment la peine.

Un jour où je me plaignais à un de mes enseignants du peu de changement que je retirais de la méditation, il me répondit avec un sourire : « Rien ne se passe ? Comme c’est magnifique ! » Selon beaucoup de traditions mystiques et philosophies orientales, c’est le début de l’extinction de la souffrance !

Une stratégie en 5 étapes pour prendre soin de l’anxiété

Nous en faisons tous l’expérience : les inquiétudes, les doutes et les angoisses viennent régulièrement frapper à la porte de notre esprit, et parfois même s’installer sur le canapé du salon sans y avoir été invités. Neurologiquement, il ne s’agit de rien de plus que des pensées négatives générées par notre lobe préfrontal droit. Les inquiétudes sont des mémoires du passé qui se projettent sur le présent ou l’avenir, et la plupart d’entre elles n’ont aucune pertinence en lien avec la réalité.

Ce sont de petits fantasmes « et si ?» Quand de vrais problèmes adviennent, nous ne pouvons en général pas nous permettre le luxe de nous inquiéter. Nous devons imaginer rapidement des stratégies pour nous sortir de la difficulté.

L’anxiété fait partie de notre vie mentale la plus banale, et pourtant des centaines de millions de personnes à travers le monde souffrent d’anxiété chronique, avec des conséquences parfois très lourdes. Mais il y a une bonne nouvelle : la recherche actuelle en neuropsychologie montre que les stratégies les plus efficaces sont très simples et rapides à mettre en œuvre.

La première d’entre elles s’intitule la « suppression des pensées » (et non, cela ne refoule pas la difficulté dans l’inconscient comme les psychothérapeutes l’ont longtemps cru). Quand vous vous surprenez à ruminer des pensées négatives, adressez-vous à cette voix entre vos deux oreilles et instruisez-la de vous lâcher la grappe !

Vous pouvez aussi choisir de vous en distraire : courez aussi vite que vous le pouvez pendant trente secondes (même sur place), comptez à l’envers à partir de cent en sautant par tranches de sept (100… 93… 86… 79, etc.) ou caressez vos bras et vos mains dans un geste d’auto-réconfort. Ces actions ramènent dans le moment présent et cela suffit souvent à éliminer l’anxiété.

Si ce n’est pas suffisant, passez à la 2ème étape : analysez votre ressenti. Est-il exagéré ? Est-il une manifestation du passé ? Vous aide-t-il face à ce que vous rencontrez ? Correspond-il à une réalité ? Si c’est le cas, écrivez trois actions concrètes que vous pouvez mettre en œuvre sans tarder pour améliorer la situation. Passer du mode « inquiétude » au mode « plan d’action » aide à stimuler le sentiment de confiance et de compétence à résoudre les problèmes.

Si la logique et la raison échouent, pratiquez la pleine conscience. Détendez-vous et observez sans jugement toutes les pensées et émotions qui s’écoulent à travers votre champ de conscience. La pleine conscience entraîne votre cerveau inquiet à prendre de la distance et à se déconnecter des émotions négatives. Cette pratique stimule les réseaux neuronaux impliqués dans les sentiments d’estime et d’appréciation de soi. C’est un état qui favorise de surcroît l’émergence de solutions créatives nouvelles.

4ème étape : si l’anxiété persiste, pratiquez l’art de l’acceptation. Ou pour paraphraser le philosophe Fabrice Midal : « Foutez-vous la paix ! ». Vous êtes anxieux ? Et alors ! Vous êtes bien plus que cela et vous n’êtes pas que cela… L’acceptation permet d’éviter les « émotions au carré », quand nous avons peur d’avoir peur, sommes en colère d’être en colère ou triste d’être triste. En revenant à l’émotion simple et en acceptant qu’elle soit là, nous pouvons vivre bien malgré l’anxiété, la contrariété ou la tristesse. Plusieurs méta-analyses récentes (des compilations d’un grand nombre de recherches) ont confirmé que la pleine conscience et l’acceptation de soi figurent parmi les manières les plus efficaces de gérer l’anxiété.

5ème étape : pratiquez la bienveillance chaque jour, envers vous-mêmes et envers les autres. Pensez aux personnes que vous appréciez et que vous aimez et adressez-leur des pensées pleines de bonté. Manifestez-vous auprès d’une personne que vous savez être en difficulté pour lui montrer votre sollicitude. Ensuite, avant d’aller vous coucher, écrivez tous les petits succès et accomplissements que vous avez vécus ce jour-là, ainsi que trois choses dans votre vie pour lesquelles vous ressentez de la gratitude. Aussi simple que cela puisse paraître, cela requinquera votre confiance et votre estime de vous-mêmes en quelques jours !

Enfin, s’il s’agit d’un problème chronique qui empoisonne votre vie, consultez un spécialiste en privilégiant les interventions thérapeutiques brèves comme le REMAS (reprogrammation émotionnelle par les mouvements alternés et la sophrologie- une amélioration de l’EMDR), le NeuroCoaching ou les thérapies cognitives de 3ème génération. Revisiter votre histoire de vie par une démarche psychothérapeutique classique ou psychanalytique est une aventure qui peut en valoir la peine, mais n’apportera que rarement une amélioration rapide.

Jean-Dominique Michel & Mark Robert Waldman

La Pleine Conscience peut modifier le cerveau

Un consensus existe à l’heure actuelle entre neuroscientifiques : tous les mammifères sont dotés de conscience. Nous développons une attention à notre environnement, nous prenons des décisions qui ne sont pas déterminées par nos instincts, nous nous souvenons de nos erreurs et apprenons d’elles, et nous développons des comportements et des habitudes qui nous dotent d’une personnalité singulière. Même la petite souris met à profit les ressources créatives de son lobe frontal pour améliorer la qualité de sa vie. Et ressent la gamme d’affects fondamentaux qui sont les nôtres (recherche, peur, prendre soin, rage, chagrin, attirance sexuelle, jouerie).

Avec chaque étape de l’évolution des espèces, la capacité de conscience augmente et les énormes lobes frontaux de l’espèce humaine nous dotent de la capacité de créer d’étonnants systèmes de croyance… sur à peu-près tout ! Nous créons des idéologies sophistiquées, des notions extraordinairement complexes au sujet de l’amour ou de Dieu, et inventons toutes sortes de technologies dont nous ne savons pas toujours quoi faire.

Mais il y a un hic : nous faisons tout cela la plupart du temps avec la conscience limitée d’un enfant de 12 ans ! Heureusement, le cerveau humain dispose d’une capacité supplémentaire : nous pouvons contempler le fonctionnement de notre propre esprit.

Lorsque nous pratiquons la conscience réflexive, une transformation neurale se produit : nous renforçons les connections entre différentes parties de notre cerveau. Nous commençons à saisir les motifs et les effets de nos comportements et combien nous sommes régis par de vieilles habitudes et de vieux modes de pensée. Nous découvrons qu’il y a une différence fondamentale entre la conscience ordinaire et la pleine conscience, une capacité qui est gouvernée par un réseau cérébral spécifique.

Si nous pratiquons la conscience réflexive pendant quelques minutes chaque jour, nous stimulerons quelques-unes des structures évolutionnaires les plus récentes du cerveau (en particulier l’insula et le cortex cingulaire antérieur) qui nous conduisent à devenir plus conscients socialement et à nous connecter aux autres. Nous pouvons même réduire la taille de l’amygdale, cette structure impliquée dans la réactivité émotionnelle, et ressentir moins de peur et de colère. Nous pouvons altérer notre thalamus et changer notre perception de la réalité, et même connaître une amplification des capacités de notre lobe frontal, en particulier de nos compétences intuitives, créatives et décisionnelles.

Il suffit de réserver 10 à 20 minutes chaque jour (ou même une minute chaque heure tout au long de la journée !) pour simplement observer avec une neutralité bienveillante les pensées et sentiments qui traversent continuellement notre champ de conscience. En restant complètement détendu, vous ouvrez la porte à l’émergence de prises de conscience étonnantes, qui peuvent même parfois vous conduire à réinventer votre vie ! C’est là la différence entre être à peine conscient et être pleinement conscient.

Au cours de la décennie écoulée, des programmes de formation à la pleine conscience se sont répandus dans les hôpitaux, les universités, les prisons mais aussi auprès de forces de l’ordre et des équipes de secours dans de nombreux pays. Un groupe interparti propose depuis 2015 des ateliers aux parlementaires britanniques, auxquels 115 députés et 80 assistants ont déjà participé.

Entre la pleine conscience, l’apprentissage de modes de communication coopérative et de processus décisionnels mettant à profit l’intelligence collective, les parlements du monde entier peuvent sans doute aspirer à trouver une manière plus éclairée de conduire leurs travaux… tout comme chacun d’entre nous !

Jean-Dominique Michel & Mark Robert Waldman

Comment mieux communiquer ?

Voici une phrase tirée d’un article explorant la nature de la conscience : « Les mécanismes de neuroplasticité abordés dans un nombre croissant d’études empiriques au sujet de la capacité de focalisation de l’attention et de l’effort mental altèrent systématiquement les fonctionnements cérébraux ».

Enthousiasmant ? Pas vraiment ! En fait, la plupart des mots que nous lisons ne sont même pas enregistrés par notre cerveau, tout comme la plupart des mots que nous disons ne sont pas retenus par nos interlocuteurs. La recherche montre que les mots sont les éléments les moins importants de la communication verbale. Alors avant de prononcer d’autres mots à qui que ce soit, nous vous invitons à mémoriser cette liste des 8 composantes de la communication efficace :

  1. Le contact visuel
  2. L’expression faciale
  3. Le ton de la voix
  4. Les gestes et postures
  5. L’état de détente
  6. Le débit verbal
  7. La concision
  8. Les mots eux-mêmes.

La communication efficace repose sur la confiance : si nous ne faisons pas confiance à notre interlocuteur, nous n’allons pas écouter pleinement ce qu’il nous dit. La confiance commence par le contact visuel nécessaire pour évaluer le degré de franchise de l’autre. Lorsque nous sommes regardés, la propension à la coopération augmente. Lorsque nous ne le sommes pas, nous avons tendance à agir de manière plus égoïste et malhonnête. Dans certains lieux publics (comme des toilettes) l’expérience a été tentée de placer des autocollants représentant des yeux, avec pour effet une baisse marquée des incivilités !

Le contact visuel encourage la confiance et la coopération, et un regard bienveillant augmente en particulier la confiance émotionnelle. Alors que la moindre expression de colère ou de peur produira l’effet inverse. On ne peut faire semblant d’avoir un regard bienveillant car les muscles autour de la bouche et des yeux exprimant ce sentiment sont sous contrôle du système nerveux involontaire. Une solution : si vous pensez simplement à une personne que vous aimez ou un événement qui vous a fait vivre une grande joie, un demi-sourire à la « Mona Lisa » vous viendra aux lèvres et les muscles autour de vos yeux se détendront. En sept secondes, le cerveau de votre interlocuteur, percevant votre état intérieur, se sentira en confiance.

This is The Voice !

Le ton de la voix est tout aussi important pour comprendre ce qu’une personne essaye réellement de dire. Si l’expression du visage exprime un sentiment et le ton de la voix un sentiment opposé, cela crée une dissonance neurale qui génère de la confusion et de l’anxiété. Avec pour résultat que la confiance s’érode, la suspicion augmente et la coopération diminue. Faites de suite l’expérience de dire : « Je t’aime » d’une voix dure ou pleine de colère, ou « Je suis si heureux » sur un ton triste ou apeuré et vous observerez combien cette dissonance perturbe le cerveau !

Une voix chaleureuse est un important atout de leadership, générant plus de satisfaction, d’engagement et de coopération entre les membres d’une équipe. Vous pouvez aisément entraîner votre voix pour qu’elle génère plus de confiance chez les autres : tout ce que vous avez à faire est de ralentir votre débit et parler sur un ton plus grave. Ces caractéristiques ont été testées à l’Université de Houston : quand les docteurs modifiaient ainsi leur diction, les patients les percevaient comme « plus soutenants et empathiques », en particulier lorsqu’il s’agissait de donner de mauvaises nouvelles. Le Professeur Ted Kaptchuk de Harvard, le plus grand spécialiste au monde de l’effet placebo, a découvert qu’un ton de voix chaleureux pouvait aller jusqu’à doubler l’efficacité d’un traitement médical.

Si vous voulez exprimer de la joie, il est important que votre voix devienne de plus en plus mélodique, alors que la tristesse entraîne une expression monocorde. Lorsque nous sommes en colère, excités ou effrayés, nous élevons l’intensité et le ton de notre voix, avec des variations accrues de vitesse et de sonorité.

Parler avec les mains et le corps

Les gestes, en particulier les mouvements des mains, aident les centres cérébraux de compréhension du langage à orchestrer l’ensemble de nos perceptions. En fait, notre cerveau doit intégrer à la fois les composantes sonores émises par notre interlocuteur et ses mouvements corporels pour construire une représentation adéquate de ce qu’il dit. Dans une perspective évolutive, le langage verbal a émergé du langage gestuel, et les deux sont gérés par les mêmes centres cérébraux. Si les mots que vous employez et vos gestes sont en décalage ou incohérents, cela générera à nouveau de la confusion chez votre interlocuteur. Une suggestion pratique : entraînez-vous devant un miroir en utilisant consciemment vos mains pour souligner et décrire gestuellement les mots que vous prononcez.

Votre niveau de détente est également reflété par votre langage gestuel, vos expressions faciales ainsi que le ton de votre voix, et tout forme de stress produira un sentiment de méfiance. Pourquoi ? Votre stress communique au cerveau de votre interlocuteur qu’il y a quelque chose qui ne joue pas, ce qui stimule automatiquement une attitude défensive. Notre cerveau émotionnel vit les choses littéralement : si vous êtes tendu ou agité, c’est qu’il peut y avoir un danger alentours.

La recherche montre qu’une seule minute de relaxation consciente suffit à stimuler l’activité des parties du cerveau qui contrôlent le langage, la communication, la conscience sociale, la régulation de l’humeur et la prise de décision. De fait, une conversation détendue permet de faire l’expérience d’une intimité et d’une empathie accrues. Le stress, à l’inverse, nous conduit à parler trop parce qu’il entrave notre aptitude à être clair et concis.

Slow down please…

Quand vous parlez, ralentissez ! Un débit plus lent facilite la compréhension en laissant le temps à votre interlocuteur d’assimiler le sens de vos paroles. Cette considération génère plus de respect de sa part. Pourtant, parler lentement n’est pas si naturel que cela, même si en Suisse romande nous sommes souvent l’objet de plaisanteries à ce sujet… Peut-être est-ce pour cela que nous nous comprenons un peu mieux les uns les autres que nos voisins ! Un débit lent a un effet apaisant sur une personne anxieuse, alors qu’une voix forte et rapide stimule automatiquement des réactions inconscientes de peur ou d’irritation.

Essayez cette expérience avec un(e) partenaire : parlez lentement… au point de… laisser… deux… secondes… de… silence… entre… chaque… mot. Vous observerez probablement un malaise, et votre discours intérieur risque de vous dire de vous précipiter au contraire pour en dire le plus possible rapidement, de peur d’être incompris. C’est un piège, car la réalité est que le cerveau de votre interlocuteur ne peut intégrer que de petites séquences d’informations à la fois, par bribes de 10 secondes.

C’est pourquoi dans les ateliers de Communication Coopérative, nous invitons les participants à dialoguer en se limitant à une seule phrase par tour de parole, prononcée lentement, avant d’écouter très attentivement leur interlocuteur pendant qu’il répond à son tour par une simple phrase. Cet exercice permet de prendre conscience de l’importance des sept premières composantes de la communication efficace, d’une manière saisissante.

Words words words disait Shakespeare

Qu’en est-il de la communication écrite ? Les mots sont bien pâles couchés sur une feuille de papier en comparaison de la symphonie sensorielle d’une conversation. Pour compenser, le cerveau attribue des significations arbitraires aux mots. En tant que lecteur, nous leur donnons une coloration émotionnelle qui diffère souvent de l’intention de notre correspondant. Ce qui explique pourquoi les échanges de mails conduisent aussi souvent à des malentendus. Et à moins que l’auteur ne fasse usage de tournures narratives, le lecteur trouvera vite le contenu ennuyeux, sec, plat, ou encore agressif, en tout cas bien plus négatif que prévu.

La solution : aider le lecteur à dessiner une image dans son esprit grâce à vos mots. Faites usage de mots concrets et de verbes d’action parce qu’ils sont plus faciles à visualiser. Des mots comme « coucher de soleil » ou « manger » se représentent facilement dans notre esprit, alors que des mots comme « liberté » ou « identifier » contraignent le cerveau à trier dans tous un ensemble de cadre de références compliqués. Nos cerveaux paresseux évitent alors le plus de mots possible, surtout ceux qui sont abstraits, et les niveaux plus profonds de signification et de sentiment seront perdus.

Jean-Dominique Michel & Mark Robert Waldman

Apprendre et mémoriser grâce aux spécificités de votre cerveau

Malgré les immenses progrès réalisés en psychologie et en sciences sociales, notre système éducatif n’a pas beaucoup évolué au cours des deux cent dernières années. La recherche en neurosciences montre pourtant que la relaxation, la créativité, l’imagination et l’intuition ont autant d’importance que les modes d’apprentissage traditionnels. Par exemple, la clé pour tirer le meilleur profit de n’importe quelle conférence, livre, cours ou émission audiovisuelle consiste à faire des aller-retours fréquents entre des moments de concentration intense et de brèves périodes de détente. Ce qui réduit le stress cérébral, prévient les décrochages d’attention et permet à votre cerveau d’absorber efficacement l’information nouvelle.

Lorsque nous nous concentrons sur une tâche précise, nous mobilisons de manière intense une petite partie de nos lobes frontaux. Le cerveau ne peut toutefois rester en mode focalisé que pour de brèves périodes de temps, de l’ordre de 5 à 20 minutes. La production de neurotransmetteurs et neuropeptides spécifiques s’épuise alors et nous commençons à être distraits. Plutôt que de contrarier cette inclination, les nouveaux modèles d’apprentissage (comme le BELL – acronyme pour Brain Science Experiential Learning and Living) recommandent plutôt de s’immerger dans ce processus de rêverie, un processus hautement créatif qui assure l’encodage de l’information dans la mémoire à long-terme et stimule l’intelligence globale.

Si vous vous autorisez cette inconvenance pendant quelques dizaines de secondes, vous vous surprendrez à être revitalisés dans votre énergie et votre plaisir d’apprendre. C’est une simple conséquence de la libération de dopamine dans votre noyau accumbens, le centre de la motivation du cerveau. Selon les chercheurs de l’Université d’Edimbourg, quelques minutes de repos conscient à l’issue d’une période d’activité focalisée ou de confrontation à un problème particulier crée les « conditions optimales pour la consolidation des souvenirs ». Vous apprendrez plus rapidement, vous aurez de meilleures performances à n’importe quel test et votre performance générale au travail sera améliorée.

Donc à chaque fois que vous vous trouvez activement engagés dans de l’apprentissage (ou de la prise d’information importante), nous vous recommandons de vous autoriser à entrer et sortir fréquemment de l’état de conscience habituel. Et de faire de fréquentes pauses, en notant au passage toutes les prises de conscience intuitives que vous pourrez faire en cours de route.

Intuition et compréhension élargie

Apprendre quelque chose de nouveau et changer de vieilles manières d’agir et de penser, implique de nombreux niveaux de conscience non verbaux. Contrairement à ce que l’on croit souvent, l’essentiel de notre intelligence est non-verbale ! Pensez-y : quand nous comprenons quelque chose d’important, la lumière s’allume dans un mouvement d’intelligence global, et c’est seulement quelques secondes après que nous parvenons, tant bien que mal, à le verbaliser. Or la seule manière d’accéder à cette modalité de pensée élargie est d’interrompre notre manière habituelle de réfléchir et de percevoir le monde.

L’intuition n’est pas un langage verbal, mais plutôt ce que les psychologues appellent un « senti » -une sorte de sentiment impressioniste qui aide le cerveau à résoudre des problèmes d’une manière hautement efficace, et qui ne dépend pas des compétences analytiques du lobe frontal. En fait, cette faculté transcende la connaissance « logique » et constitue une des ressources les plus importantes dont nous disposions.

La répétition est bien sûr également essentielle à la consolidation mnésique, mais le cerveau s’ennuie vite si nous répétons encore et encore les mêmes stimuli. Pour garder ses centres de la motivation activés, le cerveau cherche en permanence de le nouveauté. Tout ce qui est nouveau et différent attire notre attention, donc une option intéressante lorsque nous établissons un nouvelle habitude ou apprenons quelques chose de nouveau est de varier nos routines. Prenons par exemple des informations clés à mémoriser et répétons-les à voix haute, à voix basse puis mentalement. Traduisons-les dans une autre langue ! Chantons-les ou jouons-les ! Ecrivons-les sur des petits bouts de papier et cachons-les dans des tiroirs ou dans le frigo !

Friands de nouveauté !

Le neurologue Emrah Düzel explique comment la nouveauté nous motive et approfondit l’expérience d’apprentissage. « Quand nous nous trouvons face à quelque chose de nouveau, nous regardons s’il y a un potentiel de gratification qui lui soit lié. C’est ce qui nous motive à explorer notre environnement dans l’espoir de trouver de nouvelles sources de plaisir ». La nouveauté et l’innovation libèrent de la dopamine, ce qui donne une agréable petite poussée d’énergie. C’est un peu comme contempler un diamant : chaque joyau de sagesse a différentes facettes, mais il est important de le contempler depuis plusieurs points de vue pour en apprécier toute la beauté.

La créativité et l’innovation ne devraient pas être des domaines réservés à quelques petits cercles confinés à qui l’on délègue ce registre. Elles auraient au contraire à être une source d’inspiration centrale de nos activités. Car la routine, elle, tarit la sensibilité au réel. Lorsque nous avons l’impression de tourner en boucle dans le connu, nous en venons même à ne plus savoir voir ce qui est là.

Bien des naufrages ou des dysfonctionnements à travers l’histoire ont été provoqués par des erreurs d’appréciation liées à l’inaptitude à percevoir la nouveauté. Quand on relève la tête, le monde ou les circonstances ont changé… et l’on n’avait rien vu arriver. C’est une clé aussi pour vivre le présent : savoir y déceler ou y injecter de la nouveauté !

Jean-Dominique Michel, StandOut Consulting & Mark Robert Waldman, Executive MBA, Loyola-Marymount University

 

Références :

BELL : « Personal Inner Values – A Key to Effective Face-to-Face Business Communication, » Manning, Chris A.; Waldman, Mark R.; Lindsey, William E.; Newberg, Andrew B.; and Cotter-Lockard, Dorianne , Journal of Executive Education: Vol. 11 : Iss. 1 , (2012)

Boosting long-term memory via wakeful rest: intentional rehearsal is not necessary, consolidation is sufficient. Dewar M, Alber J, Cowan N, Della Sala S. PLoS One. 2014 Oct 15;9(10):e109542.

Rest Boosts the Long-term Retention of Spatial Associative and Temporal Order Information. Craig M, Dewar M, Della Sala S, Wolbers T. Hippocampus. 2015 Jan 24.

Brief wakeful resting boosts new memories over the long term. Dewar M, Alber J, Butler C, Cowan N, Della Sala S. Psychol Sci. 2012 Sep 1;23(9):955-60.

The role of edge-sensing in experiential psychotherapy. Glanzer D, Early A. Am J Psychother. 2012;66(4):391-406.

Better without (lateral) frontal cortex? Insight problems solved by frontal patients. Reverberi C, Toraldo A, D’Agostini S, Skrap M. Brain. 2005 Dec;128(Pt 12):2882-90.

Absolute coding of stimulus novelty in the human substantia nigra/VTA. Bunzeck N, Düzel E. Neuron. 2006 Aug 3;51(3):369-79.

Dé-stresser en 60 secondes ?

Cette question a toutes les apparences d’une injonction paradoxale, comme « il est obligatoire d’être libre », le fameux « sois spontané ! » des systémiciens ou, pour les croyants, la jolie prière de la patience : « Mon Dieu, donne-moi la patience…. tout de suite ! »

Les injonctions paradoxales sont stressantes et même destructrices pour le bien-être et la santé. Pourtant, il existe bel et bien un moyen imparable pour faire baisser le stress en soixante secondes ou moins.

Une centaine d’études scientifiques récentes démontrent, aussi étonnant que cela puisse paraître, que le bâillement est le moyen le plus rapide et efficace pour « dé-stresser » votre cerveau. Essayez : Bâillez une dizaine de fois, même si vous n’en avez pas envie. Faire semblant est généralement suffisant pour amorcer de vrais bâillements, et si vous prononcez la voyelle « aaaaah » en expirant, la recherche indique que vous approfondirez le processus de relaxation.

Observez comment chaque bâillement interrompt le flot de pensées et d’émotions, vous ramenant au moment présent. Si vous vous étirez ensuite très lentement, au super-ralenti, vous allez commencer à vous sentir délicieusement détendu ! Bâillez est étirez-vous pendant encore une dizaine de secondes, et vous vous sentirez plus alerte. Si vous vous remettez au travail, votre productivité et votre créativité auront augmenté.

Le bâillement a longtemps constitué une énigme, les scientifiques ne parvenant pas à comprendre son utilité. Pendant des décennies, on a supposé qu’il servait à détendre le diaphragme, ce muscle en forme de coupole qui sépare le thorax de l’abdomen et dont les mouvements ascendants et descendants provoquent la respiration.

Les neurosciences ont récemment apporté un nouvel éclairage : comme vous venez d’en faire l’expérience si vous avez suivi nos suggestions, bâiller a pour principal effet de mettre au repos les circuits cérébraux impliqués dans la concentration. En fait, l’activité mentale focalisée consomme beaucoup d’énergie… et produit beaucoup de déchets métaboliques. On évalue à une vingtaine de minutes la durée optimale de concentration. Au-delà, votre cerveau se met à fatiguer et cherche à se débrancher en passant à un mode d’attention flottante qui constitue son mode « par défaut ».

C’est à ce moment que nous partons dans la lune ou des associations de pensée apparemment illogiques, sautant du coq à l’âne. Aussi étonnant que cela puisse paraître, l’activité générale augmente à travers le cerveau quand nous nous mettons à rêvasser ! C’est surtout un temps où il refait ses forces, les cellules gliales évacuant les déchets métaboliques et recyclant les neuro-transmetteurs que la concentration a consommés. Cette « oxygénation » ne prend pas plus de deux ou trois dizaines de secondes. La recherche montre que notre cerveau est conçu pour vivre une alternance de plages de concentration de quinze à vingt minutes et de brèves plages de repos.

Si nous passons outre à ce besoin, le stress cérébral s’accumulera, conduisant à une intoxication et un épuisement. Nous pouvons certes nous forcer à rester concentrés pendant plusieurs heures de suite. L’état de fatigue qui s’ensuit est carabiné, et il devient d’autant plus difficile de récupérer. Répétez cela de jour en jour et vous passerez en mode « stress chronique » avec une élévation peu attrayante du risque de toutes sortes de maladies…

Bâiller aide aussi à réguler la température du cerveau. Quand nous pensons activement, nous faisons effectivement chauffer notre matière grise et une régulation thermique devient nécessaire ! Un peu comme ouvrir la fenêtre de son bureau ou de la salle de réunion…

Le bâillement ré-initialise également notre horloge biologique : le temps relatif est plastique, il s’étire quand nous nous ennuyons, se raccourcit quand nous sommes intéressés, et nous pouvons même parfois perdre sa notion (notamment quand nous sommes absorbés dans le monde numérique). Bâiller rétablit la perception normale du temps. Etonnant, non ?

Nous avons tous observé enfin que le bâillement est contagieux. Servant à évacuer le stress (qui est la réaction biologique au danger), il constitue un moyen de coordination mimétique au sein de certaines espèces sociales pour confirmer qu’un danger est passé, et que le groupe peut passer en mode détente. Biologiquement, bâiller revient à se dire à soi-même et à ceux qui nous entourent : « tout va bien, nous sommes maintenant en sécurité ». Dans notre culture de l’urgence qui considère comme vital un ensemble de choses assez secondaires, c’est un bon moyen de remettre neurologiquement les pendules à l’heure, et l’église au milieu du village…

Notre suggestion : effectuez des plages régulières de défocalisation mentale tout au long de votre journée de travail. Bâillez et étirez-vous lentement deux à trois fois par heure quand c’est possible. Ces moments seront du pain béni pour votre cerveau, vous accomplirez plus avec un état d’esprit plus positif, et parviendrez à la fin de votre journée en bien meilleure forme.

 

Jean-Dominique Michel & Mark Robert Waldman

 

Le mot le plus important dans votre vie

Tous les mots ne sont pas égaux ! Certains d’entre eux comme les mots « paix » et « amour » peuvent littéralement activer des centaines de gènes réduisant le stress émotionnel et physique, alors que d’autres entraînent la libération immédiate de stresseurs biochimiques dans le cerveau et à travers votre corps (1).

Mais il y a forcément quelques mots, qui vous sont propres, qui ont le pouvoir de vous apporter du sens, de la satisfaction et même un sentiment de plénitude. Si vous les trouvez et passez quelques minutes chaque jour à les contempler, ils peuvent carrément transformer votre manière de travailler et améliorer vos relations.

En fait, personne ne peut vous dire quels sont ces mots. Vous avez à les découvrir par vous-mêmes. Mais ne commencez pas à y réfléchir tout de suite, parce que si vous ne vous trouvez pas au préalable dans un état de détente profonde, vous ne trouverez que des mots qui sont le reflet de vos vieilles pensées. Et ces mots n’auront pas le même pouvoir de générer une expérience éclairante. La pensée rationnelle est inefficace à générer de la nouveauté, à élargir nos perspectives. Ces compétences relèvent en fait d’autres réseaux neuronaux impliqués dans la pensée créative et intuitive.

Dans nos recherches, nous sommes tombés sur une question qui mettra en lumière ce mot si particulier. Nous avons aussi découvert que c’est une question qui est rarement posée. En fait, la première fois que Mark a effectué une recherche à ce sujet sur Google en 2007, en essayant différentes variations, il n’a trouvé en tout et pour tout qu’une cinquantaine de résultats. Vous vous rendez probablement compte à quel point c’est peu. Si l’on tape une question comme « Qu’est-ce qui rend heureux ? » on obtient environ un million de résultats. Une dizaine d’années plus tard, après avoir partagé cette technique avec plus de 250’000 personnes, le nombre de liens sur Google se compte en milliers. C’est beau, le progrès !

Le pouvoir d’une simple question

Nous allons maintenant vous présenter la question qui vous donnera accès au mot le plus important de votre vie. Pour commencer, faites en sorte d’avoir une feuille de papier et de quoi écrire sous la main (comme un beau stylo Caran d’Ache !) Prenez trente secondes pour bâiller, respirer profondément et détendre les muscles de votre corps : les muscles du visage, de la mâchoire, de votre nuque, de vos épaules, de vos bras, de votre dos et de vos jambes. Secouez vos mains et vos pieds pendant quelques secondes, étirez-vous et bâillez à nouveau à quelques reprises. Prenez encore quelques instants pour sentir attentivement les sensations à travers votre corps.

Fermez ensuite les yeux et demandez-vous : « Quelle est la valeur fondamentale la plus importante pour moi ? » Gardez les yeux fermés pendant au moins une minute et écoutez cette petite voix intérieure qui murmure en permanence à l’arrière-plan de votre conscience. Cherchez un simple mot qui reflète avec acuité cette valeur, une valeur qui donne à votre vie un sentiment de sens et de direction.

Parfois, en vous posant à nouveau la question en soulignant un autre de ses termes, c’est une autre réponse qui se présentera. Demandez-vous donc : « Quelle est la valeur fondamentale la plus importante pour moi ? » Ecrivez tout mot nouveau qui vous viendrait à l’esprit.

Demandez-vous encore une fois : « Quelle est la valeur fondamentale la plus importante pour moi ? » Ecrivez les mots additionnels qui se seront présentés, et contemplez votre liste. Encerclez celui qui vous paraît le plus essentiel en cet instant, fermez à nouveau les yeux et répétez-le à plusieurs reprises, mentalement et à voix haute. Observez comment vous vous sentez en le répétant et comparez ensuite avec l’effet que produisent les autres mots.

Chaque année, depuis 2008, cet exercice est proposé aux managers en formation dans le cadre de l’Executive MBA de l’Université Loyola Marymount à Los Angeles. Ces dirigeants suroccupés sont invités à faire cet exercice pendant dix jours, en y consacrant une ou deux minutes chaque matin. Le résultat ? Nonante pour cent d’entre eux font état d’une réduction significative de leur niveau de stress tout au long de la journée, avec comme conséquence une productivité et un plaisir à travailler accrus.

D’après les chercheurs en neurosciences de l’Université de Californie à Los Angeles, « la contemplation de nos valeurs fondamentales a pour effet de maintenir les réponses psychologiques et neuroendocrine au stress en-dessous du seuil habituel. » En fait, cela ouvre sur une perspective assez saisissante : en identifiant et en contemplant vos propres valeurs fondamentales, vous pouvez améliorer la santé de votre cerveau. D’autres études avaient déjà établi que la répétition de pensées constructives pouvait réduire la propension aux ruminations pessimistes et aider à être moins réactif face à des situations désagréables.

Les recherches en anthropologie de la santé avaient montré de longue date l’efficacité symbolique de la parole -Jean-Dominique y a consacré un chapitre entier de son livre sur les pratiques de soins traditionnelles (2). La nouveauté réside dans la découverte qu’un mot du langage courant, sans connotation mythologique ou religieuse, employé hors de tout cadre rituel, puisse déployer un tel effet !

Une pratique multi-usages

Au cours de deux dernières années, nous avons reçu du feed-back de personnes de toutes sortes de milieux (étudiants, thérapeutes, avocats, médiateurs, enseignants, dirigeants d’entreprise, intervenants sociaux, médecins et soignants), dans le cadre des séminaires, supervisions et formations que nous avons donnés aussi bien que par les réseaux sociaux. Et ces retours sont sacrément encourageants – peut-être parce que cette pratique est aussi simple et efficace. Par exemple, des thérapeutes de couple nous ont dit que lorsque les deux conjoints prennent la peine d’échanger autour de leurs valeurs fondamentales, il devient bien plus aisé de trouver une solution à leurs difficultés. Les médiateurs et les avocats peuvent aboutir à des accords en une vingtaine de minutes là où cela prend habituellement deux heures. Et les équipes surmonter bien plus facilement les accrocs qui peuvent conduire à des tensions.

La recherche montre que lorsque vous adhérez consciemment à vos valeurs, vous serez perçu par vos interlocuteurs comme étant plus empathique. A l’Université du Missouri, les psychologues ont même établi que lorsqu’un exercice de contemplation des valeurs était inclus dans un plan de traitement pour aider les patients à faire face à des douleurs chroniques, leur tolérance à la douleur s’améliorait.

Rosabeth Moss Kanter, professeure de management à la Harvard Business School –considérée comme l’une des femmes les plus influentes au monde-  insiste sur l’importance d’aborder directement la question des valeurs dans les salles de réunion des entreprises. « Dans les organisations que j’appelle les super-entreprises, qui sont particulièrement innovantes, performantes et compétitives, la discussion ouverte autour de l’interprétation et de l’application des valeurs renforce la responsabilité, la coopération et la capacité d’initiative ».

Ses recherches ont montré que lorsque des personnes partagent et discutent leurs valeurs fondamentales, cela renforce la motivation du groupe dans son ensemble. Les valeurs personnelles des collaborateurs s’intègrent dans les processus d’entreprise, ce qui aide à guider les choix éthiques de l’organisation. Parler ouvertement de la question des valeurs réduit le besoin de règles impersonnelles et de contrôle. Les conflits interpersonnels diminuent, la collaboration s’améliore, l’esprit d’équipe se renforce et la productivité augmente en conséquence.

Les conclusions de l’équipe de l’Université de Californie à San Diego (à l’origine de la conceptualisation du « management tribal » (3), rapportée dans plusieurs articles de ce blog) confirment que les entreprises à forte productivité et à bas niveaux de stress ont entre autres particularités celle de prévoir des moments réguliers pour discuter de la question des valeurs. Ce qui apparaît à leurs concurrents moins performants comme une pure perte de temps…

Notre suggestion : posez la question « Quelles sont les valeurs fondamentales les plus importantes pour toi ? » aux membres de votre famille et à vos amis. Et voyez comment ils répondent. Postez la question sur les réseaux sociaux ainsi qu’à votre travail. Les résultats vous étonneront ! Et si vous invitez une personne avec laquelle vous vous préparez à avoir une discussion difficile à partager ses valeurs avec vous, vous ferez l’expérience de moins d’inconfort et de plus de coopération. Voilà le pouvoir que peut avoir un seul mot !

Jean-Dominique Michel et Mark Robert Waldmann

[1] Pour les études mentionnées au long de l’article, cf. Waldman M.R. & Newberg A., La clé de la communication, Editions de l’Homme, 2013

[2] Michel J.-D., Chamans, médiums, guérisseurs, les différentes voies de la guérison, Favre 2011 et Pocket 2015

[3] Logan D., King J. & Fischer-Wright H., Managez votre tribu, Leduc Editions, 2013

Le pouvoir du oui

Quand des coaches ou des thérapeutes apprennent à leurs clients comment reformuler leurs pensées ou inquiétudes de manière constructive, leur aptitude à communiquer s’améliore ainsi que leur sentiment de maîtrise et de confiance en soi. Il y a toutefois un problème : le cerveau répond paresseusement aux mots et pensées positives. Comme ils ne constituent pas une menace à notre survie, notre cerveau n’a pas besoin d’y répondre aussi rapidement qu’il le fait pour des mots ou pensées négatives.

Afin de surmonter ce biais neurologique, nous devons répétitivement et consciemment générer autant de pensée positives que possible. Barbara Fredrickson, une des fondatrices de la psychologie positive, a découvert que nous devrions produire au moins trois pensées positives pour chaque pensée négative. En-dessous de ce ratio, les relations personnelles et professionnelles se dirigent droit vers l’échec.

Ces données correspondent avec les recherches de Marcial Losada sur les équipes en entreprise et celles de John Gottman sur les couples mariés. En ce qui concerne ces derniers, un ratio inférieur aboutit dans 94% des cas à un divorce !

Si vous voulez par ailleurs que vos relations s’épanouissent, alors il vous faudra veiller à atteindre une proportion de cinq expressions positives pour chaque expression négative. Des pensées ou des commentaires comme « je suis déçu » ou « ce n’est pas ce que j’espérais » comptent pour un item négatif, tout comme un froncement des sourcils ou un détournement de tête.

En fait, cela n’a pas beaucoup d’importance si vos pensées positives sont irrationnelles ; elles élèveront de toute manière votre sentiment de bien-être et de satisfaction. Et d’être in fine plus réaliste et efficace dans la résolution de problèmes.

Les mots et pensées positifs activent les centres de la motivation dans le cerveau (le système dopaminergique) et aident à faire preuve de résilience et de créativité face aux difficultés. Selon un adage courant, il est alors plus facile de « transformer les problèmes en projets » en envisageant des manières d’agir plutôt que de se plaindre. Selon Sonja Lyubomirsky, une des principales expertes des recherches scientifiques sur le bonheur, ce sentiment est étroitement corrélé avec le fait de savoir savourer les expériences agréables du quotidien, de partager ses moments heureux avec les autres et d’entretenir des pensées bienveillantes envers soi-même.

Notre conseil : choisissez vos mots avec considération, et parlez lentement. Cela aide à contenir la propension du cerveau à se focaliser sur le négatif. Plusieurs recherches récentes ont montré que la simple répétition de mots comme « amour », « paix », ou « joie » activent environ 1’200 gènes abaissant les niveaux de stress et de tension émotionnelle ou physique.

Ce qui permet non seulement de se sentir mieux, mais encore de vivre plus longtemps et d’avoir des relations plus satisfaisantes avec les autres – au travail comme à la maison. Comme Fredrickson et Losada l’indiquent, si vous générez un minimum de cinq pensées positive pour chaque pensée négative, vous ferez l’expérience d’un « niveau de fonctionnement cérébral optimal ».

Jean-Dominique Michel et Mark Robert Waldman